Le thérapeute est-il un sauveur ?

Le thérapeute est-il un sauveur ?

Il y’a en chacun de nous, une fibre, une inclinaison naturelle à prendre soin, et c’est heureux… Nous sommes tous amenés à un moment de notre vie à prendre cette place particulière d’aidant, pouvant aller jusqu’à endosser un rôle de sauveur…

Il existe donc en nous, dans notre inconscient, un archétype de cet ordre-là, une figure inconsciente héritée de toute l’histoire de l’humanité, une sorte de pattern, sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour mettre en œuvre cette facette de notre personnalité.

L’archétype du sauveur est doté de qualités : l’altruisme, la compassion, la solidarité, l’implication, ce sont des qualités humaines importantes.
Mais cet archétype a aussi un versant sombre. Dès lors, au lieu d’apporter de l’aide, il peut devenir néfaste, toxique pour soi-même et pour les personnes aidées.

Tous les thérapeutes et soignants ont cette fibre du soin, de la guérison, particulièrement développée et pourtant dans les métiers de l’accompagnement de la psychologie -plus que dans n’importe quels autres- les écueils sont à éviter pour le bien de tous, et surtout des patients.  

Bien entendus que je ne sois pas en train de prôner l’indifférence du thérapeute à la souffrance d’autrui, ni d’opposer un refus d’aide – cf l’article : Les épreuves de la vie – voici donc en quoi il est essentiel que le thérapeute ne soit pas un sauveur envers et contre tout!

Pourquoi et en quoi le travail thérapeutique est-il à l’opposé du concept de sauveur :

Le thérapeute est un éclaireur, un passeur… Il est engagé pleinement, totalement à vos côtés mais iI n’est pas dans une posture de sauveur…

Le sauveur fait de sa raison de vivre le péril de l’autre, sans l’autre à sauver, il n’est plus RIEN…. Il a donc un besoin vital de l’autre pour pouvoir le sauver et ainsi exister…

Cela fait donc porter une responsabilité bien lourde sur les épaules du patient et engendre un paradoxe. Responsabilité car alors le thérapeute-sauveur n’existe que par le maintien du positionnement « sauvez-moi » de l’aidé, paradoxe car aller mieux va retirer la raison d’être du thérapeute…. Et s’engage alors pour le patient, un conflit de loyauté envers le thérapeute, ce conflit est inconscient et revient à dire « si je vais mieux, je vais abandonner mon thérapeute à lui-même »…

Combien de dyades enfant/parent fonctionnent sur un modèle presque équivalent. On parle, dans mon jargon, d’enfant-thérapeute de ses parents… Car l’enfant n’est pas équipé pour se séparer, car pour acquérir son autonomie il a besoin d’un lien structurant, ainsi, sauver, réparer son parent, c’est aussi se sauver lui-même, il assure ainsi de meilleurs conditions à son développement…il devient donc enfant-thérapeute par la force des choses.

Devenir adulte, un adulte mâture, c’est prendre la responsabilité de soi… c’est aussi accepter que l’autre soit responsable de lui-même…

Le thérapeute accompagne dans ce processus, il permet à l’individu, par une meilleure connaissance de lui-même, de devenir acteur de sa vie, de devenir sujet à part entière, de pouvoir conjuguer sa liberté d’être lui-même avec sa volonté d’être, volonté d’advenir l’individu qu’il est au plus profond de lui…

Sauver l’autre, celui qui ne se sauve pas lui-même, c’est lui retirer sa liberté, c’est le mettre dans une incapacité à choisir sa vie, c’est l’assujettir…

Je ne prône pas la neutralité bienveillante dont on parlait il y a longtemps dans les débuts de la psychanalyse, le thérapeute n’est ni indiffèrent ni détaché, il n’est pas neutre, dans le sens d’une tiédeur…. Je suis engagée aux côtés de vous, mettant toute mon humanité, tout mon savoir-être et mon savoir-faire à vous accompagner…
Pour parler de mon engagement à vos côtés, je pourrais dire « je ne ménage pas ma peine » et je n’ai de cesse de questionner mon positionnement, ma responsabilité mais je ne vous sauve pas, au pire je peux accepter la formulation « nous vous sauvons ensemble », mais surtout je vous accompagne et vous soutient à vous sauver….

Tout ceci peut aussi se revisiter dans notre vie personnelle. L’archétype du sauveur, avec le risque de perversité ou de toxicité du lien à l’autre, ne se rencontre pas que dans le cabinet du psy, même si dans ce lieu l’enjeu est bien plus grand…il peut se rencontrer dans notre vie quotidienne, nous pouvons le repérer et le questionner en nous et dans les relations à autrui.

Cela répond aussi à ce que l’on nomme le syndrome du sauveur et que l’on trouve abondamment dans les écrits du développement personnel…
Trouver ce juste milieu, être présent mais ne pas déposséder l’autre de son histoire, être acteur mais ne pas exercer de toute-puissance…

Je termine ces mots et j’ai une pensée particulière pour celles et ceux, chers à mon cœur, qui auraient, c’est certain, pourtant eu besoin d’un sauveur.