En introduction et en avant-première de ma conférence sur le poids des secrets de famille, voici une reflexion « Comment devenir soi au sein de la famille? Par quel processus ? »
« Devenir soi » est le chemin d’une vie que l’individu acquiert peu à peu. On nait « fils ou fille de… » et notre identité est d’abord intégrée à nos parents nourriciers et aimants, nous n’avons pas le sentiment d’exister, la conscience de notre existence séparée. Nous sommes « unis », ne faisons qu’un, in utéro puis psychiquement quelques mois encore après la naissance.
Peu à peu, bébé, bambin, enfant, au travers des sensations corporelles, des vécus émotionnels, de la structuration de la pensée, nous accédons à ce sentiment d’exister. Nous contactons, le pouvoir de dire non, la capacité à se différentier de l’autre.
Quand tout se passe bien, nous faisons l’expérience de cette différentiation non destructrice, mais au contraire structurante. Nous voilà suffisamment identique pour appartenir à la communauté familiale, sociale, et suffisamment différent pour y être un individu singulier, à part. Exister dans le champ relationnel, sans être rejeté, nié, et accéder à la reconnaissance de sa propre identité.
Et nous voici, adultes, autonomes, indépendants, prêts à construire notre propre vie, quittant le cocon familial.
Mais force est de constater, que tout jeunes adultes que nous sommes, que nous avons été, nous pouvons sentir et pressentir, que le chemin de devenir soi est bien plus long que cela. Sensation -parfois longtemps encore- d’être empêtré dans le roman familial, dans les conflits de loyauté, dans les rôles assignés, dans les relations conflictuelles, de rivalité etc… Nous sommes « pris », malgré nous, dans ce tissu familial, dans son histoire, heureuse et malheureuse.
Et nous voilà alors prêt à vivre une seconde expérience.
Jung parle du processus d’individuation, processus du milieu de vie, étape qui aboutira à la naissance de l’individu, une seconde fois, en dehors des transmissions familiales. Naître une seconde fois, et pourquoi pas, « quitter » une seconde fois sa famille d’origine.
Nous voilà alors questionnant nos relations à autrui -la famille , les amis, les collegues- nos choix de vie, à remettre au travail notre rapport au monde, notre rapport à nous-mêmes. Ce travail déjà effectué de façon plus implicite à l’adolescente s’effectue souvent de façon plus consciente à un âge plus mur. Nous voilà à regarder les déterminismes familiaux et sociaux, ceux qui nous contraignaient, nous obligeaient à avancer, à construire dans une certaine direction notre vie, ceux qui nous interdisaient tel ou tel chemin. Nous voilà à tenter de repérer, de comprendre les transmissions familiales visibles et invisibles, conscientes et inconscientes.
Nous voilà ainsi, papillon libéré de sa chrysalide, prêt à advenir au plus prés de qui nous sommes.
Ultime chemin de libération de nos chaines familiales, nous advenons, lentement, progressivement, et expérimentons la liberté d’être soi.
Je ne crois pas que ce processus ait une fin, à mon sens c’est notre mission de vie toujours renouvelée, devenir soi, rester soi, osciller entre notre sentiment de liberté et notre sentiment d’aliénation, il s’agit de notre mouvement de vie.
Je poursuivrai cette réflexion lors d’une conférence en zoomant sur le secret de famille, son impact, et comment s’en libérer.